Les violences sexuelles et celles basées sur le genre ont une dimension universelle. La plupart des victimes des VSBG sont des femmes. Ces dernières vivent des situations calamiteuses dans les foyers et meurent silencieusement. Béatrice Lomeya ancienne Ministre du genre et famille l’ avait confirmé en marge de la clôture de 16 jours d’activisme en Décembre 2020 à Kinshasa. En RDC, la forme la plus répandue de ces violences basées sur le genre est celle économique. Cette dernière se traduit par le dur contrôle financier de la femme en vue de la soumettre à une dépendance. Cette situation constitue un frein à l’émancipation.
Madame Louise directrice d’une école privée à Kinshasa, témoin d’un cas de violence conjugale nous a raconté le calvaire d’une de ses collaboratrices au nom d’Adèle (nom d’emprunt) âgée de 35 ans et mère de 4 enfants.
Adèle a accepté en Septembre 2017 le poste d’accompagnatrice d’élèves aux toilettes à l’école où Mme Louise assume la fonction de Directrice de la maternelle. Cela pour la survie de son foyer. “Je veux juste avoir un revenu régulier pour assurer la survie de mon foyer”, avait- elle déclaré lors de son recrutement. Son dévouement au travail et son éloquence ont suscité l’admiration de ses collègues de la direction de l’école maternelle où elle était affectée. Son absence était souvent remarquable le jour de la paie car c’est son compagnon Théo (nom d’emprunt) qui venait chercher son salaire. Elle n’avait donc pas donc droit à son salaire. Cette situation faisait de sorte qu’elle ne pouvait adhérer à des ristournes qu’on organise parce qu’elle était sévèrement contrôlée par le père de ses enfants à qui l’argent profitait pour ses besoins propres selon un confidence de Adele.
Les pesanteurs socioculturelles sont les obstacles majeurs à l’épanouissement
L’une des ses proches de service, notamment Odette avec qui elle collabore étroitement dans l’accompagnement des enfants, nous a laissé entendre que les us et coutumes de son clan ne l’autorisent pas à contester la volonté du mari. Elle nous a confié que chez les babindji, une tribu de la province du Kasai oriental d’où elle et son compagnon sont originaires, une femme ne peut pas travailler. Si jamais cette dernière était autorisée à travailler par son mari, sa rémunération appartiendrait totalement à celui-là.
« Un jour je lui ai parlé de notre mutuelle pour l’aider à avoir du crédit afin de financer ses études pour avoir un diplôme d’Etat mais, elle a refusé de prendre cet engagement sans le consentement de son mari», explique Odette.
Pendant toutes les années de son travail, explique ses collègues de service, Adèle subissait des violences conjugales économiques dans son foyer. A deux reprises, elle nous a fait part de son désarroi mais ne voulait pas renoncer à cette relation toxique qui la tuait à petit feu malheureusement pour elle. Un jour, Adèle cherchait à faire un prêt de 50 dollars pour financer les soins de sa mère et pourtant elle venait de recevoir son salaire 48 heures plus tôt regrette Odette. C’est en larmes qu’elle fait la demande à sa créancière devant moi tout en avouant que son compagnon s’était servi copieusement de son revenu sans pour autant penser à elle ni à ses besoins. Odette affirme que le temps passé avec Adele, elle s’indigne souvent du mauvais comportement de son mari face à ce qu’elle gagnait car, affirme Odette, ce cas revenait très souvent lors de leur conversation.
Cela n’étant pas suffisant, elle subissait outre la dépendance économique des insultes et des dénigrements de la part de son conjoint pour n’être pas allée loin dans les études. «Malheureusement, Adèle a été abandonnée par Théo qui s’était déjà fiancé à une collègue de sa promotion », révèle Odette.
Une réglementation sur les questions des violences domestiques sera un salut
L’insuffisance d’un cadre juridique actuel ne permet pas de prévenir ou de combattre les violences domestiques. Selon Me Gabrielle Pero avocate au barreau de Kinshasa Matete, les violences domestiques sont discriminatoires. Il faut une loi spécifique en la matière qui complète la loi du 20 juillet sur les violences sexuelles et basées sur le genre. La juriste renchérit que l’existence d’une loi sur mesure arrêterait les abus
Pour sa part, Mme Any Modi de l’association Afya Mama avoue que son organisation n’a encore pas eu à plaider pour un cas des violences conjugales économiques. Certes, les plaidoyers existent pour des cas des violences domestiques mais celles-ci sont très isolées et assimilées automatiquement aux violences physiques. A en croire la défenseuse des droits des femmes, la mise en œuvre du plan stratégique national (PNSD) 2019-2023 sortira les femmes de la pauvreté.
Rappelons que la République Démocratique du Congo a ratifié plusieurs instruments internationaux pour la promotion des droits des femmes notamment les résolutions CEDEF, 1325 et 1820. Pour mieux atteindre les ODD à l’horizon 2030. La RDC a également l’obligation de respecter scrupuleusement l’objectif 5 dédié à l’autonomisation des femmes en vue de l’égalité des sexes.
Flore KAYALA MUKALA, JDH.