L’analyse suivante attire l’attention des autorités congolaises sur le risque de manque à gagner sur les exonérations fiscales accordées aux accords de troc « ressources naturelles contre infrastructures.
Les faits ayant conduit au « troc »
A l’instar de certains pays en développement, la République Démocratique du Congo(RDC) a opté pour le modèle de conventions de collaboration et de projets de coopération pour la réalisation de certaines infrastructures de base visant le développement socioéconomique et l’amélioration du bien-être social de la population.
Le montage de ces conventions et projets consiste généralement à la mobilisation des capitaux par les entreprises de Droit congolais ou de Droit étranger pour le financement des infrastructures dont le remboursement est assuré par les revenus de l’exploitation des ressources naturelles (mines, hydrocarbures, forêts, terres, eau, etc.) mises à la disposition du partenariat par le gouvernement.
Les entreprises et entités impliquées dans l’exécution de ces conventions bénéficient de certains avantages et facilités, incluant des exonérations fiscales et parafiscales.
Communément appelée contrat chinois, la convention de collaboration signée en Avril 2008 entre le gouvernement congolais et le groupement d’entreprises chinoises sur le développement d’un projet d’infrastructures et d’un projet minier constitue le premier accord de ce genre en RDC.
Que dit la loi? :
La Loi n°14/005 du 11 février 2014 portant régime fiscal, douanier, parafiscal, des recettes non fiscales et de change applicable aux conventions de collaboration et aux projets de coopération accorde des exonérations fiscales et parafiscales aux entreprises, établissements etentités impliqués ou créés en vertu de ces conventions de collaboration ou projets de coopération.
Ces exonérations couvrent les impôts, taxes, droits, taxes, redevances dus au pouvoir central, aux provinces et aux entités territoriales décentralisées et visent à faciliter l’exécution des infrastructures et des projets convenus et le remboursement des fonds mobilisés.
Quoiqu’ayant formalisé les conventions de collaboration et les projets de coopération, cette loi ne prévoit pas cependant de dispositions relatives à l’évaluation et au contrôle des exonérations ainsi accordées. Ce déficit juridique constitue un risque de manque à gagner pour la RDC, dans la mesure où certaines exonérations peuvent s’avérer supérieures aux fonds mobilisés par les entreprises partenaires.
A cet effet, l’expérience du contrat chinois susmentionné signé sans évaluation préalable ni suivi des exonérations fiscales et parafiscales offre une illustration des manques à gagner que peuvent occasionner les exonérations fiscales non évaluées et non contrôlées.
En effet, les rapports des organisations de la société civile, de l’ITIE-RDC et de l’Inspection Générale des Finances (IGF) sur l’exécution du contrat chinois ont montré que l’État congolais a enregistré d’énormes manques à gagner occasionnés notamment par l’absence d’estimation, d’évaluation et de suivi des exonérations fiscales et parafiscales accordées.
Nous concluons en disant qu’il est urgent pour la RDC de mettre en place des mécanismes d’évaluation et de contrôle des exonérations fiscales et parafiscales accordées aux conventions de collaboration et aux projets de coopération. Le parlement congolais est instamment invité à modifier la n°14/005 du 11 février 2014 afin d’y inclure les dispositions sur l’évaluation préalable et le contrôle des exonérations fiscales et parafiscales. Ces nouvelles dispositions légales devront être accompagnées de mesures réglementaires définissant les modalités pratiques d’estimation,d’évaluation et de contrôle de ces exonérations à travers une modélisation fiscale et économique de chaque convention de collaboration ou projet de coopération et un contrôle régulier de ces exonérations par l’administration fiscale et d’autres services publics spécialisés.
Fabien Mayani
Avocat et Chargé de Cours de Politiques Publiques de gestion des Ressources Naturelles
à l’Université nouveaux horizons de Lubumbashi.