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En RDC, les premiers aliments solides introduits dans l’alimentation de l’enfant sont constitués des plats à base traditionnelle. Dans la plupart des cas, le fufu, le pondu, le mosaka, le lituma, la chikwangue sont introduits pour renforcer l’alimentation des enfants. Pour le faire, les familles suivent les conseils du personnel de santé et d’autres reçoivent des conseils des proches. Cette attitude met en jeu le patrimoine culturel face aux impératifs de santé. Des femmes interrogées ont préféré garder l’anonymat et nous ont expliqué de qui elles reçoivent des conseils et comment elles introduisent pour la première fois des aliments solides à base culturelle chez leurs enfants.
C’est le cas de Mme Brigitte qui affirme pour sa part, « Je reçois les orientations de mes grandes sœurs, ma marraine, ma belle-sœur et auprès d’autres parents. »
« On conseille d’introduire les plats légers après 6 mois. Pour mon premier enfant c’était possible de suivre le conseil reçu des consultations postnatales CPS. Il ne voulait pas d’autres nourritures jusqu’à 9 mois. A 9 mois, j’ai introduit la purée, un peu de poisson, de la viande hachée et des fruits. Il prenait de l’eau à 6 mois déjà. Il avait commencé avec le fufu à une année, » explique-t-elle.
« Mon deuxième enfant, à 4 mois je mélangeais l’allaitement et le lait artificiel. Il prenait trop de lait maternel et il en voulait plus. A ses 6 mois j’avais commencé avec le biberon et de l’eau. Il avait commencé à tout manger (fufu, viande, pondu) depuis et jusqu’à présent. J’avais coupé l’allaitement à deux ans et 3 mois pour mon premier enfant et à 11 mois pour mon deuxième enfant, » révèle Mme Brigitte.
Pour Mme Alice nom d’emprunt ; « Par moment les orientations viennent des CPS mais très souvent c’est en famille. J’introduis la bouillie à partir de 6 mois. A 9 mois, j’ajoute le fufu léger et les bananes à vapeur très cuites. Je propose en plus du poisson frais et par moment, des aliments à la sauce tomate. A une année, mes enfants mangent les plats traditionnels comme le mosaka, la chikwangue douce et le lituma, » ajoute-t-elle.
De son côté, Mme Émérence, nom d’emprunt, nous livre aussi l’origine de ses conseils. « Mes orientations venaient de ma mère, mes grandes sœurs et aussi du personnel médical chaque fois quand je me rendais au rendez-vous de l’enfant communément appelé “kilo”. J’ai allaité mes enfants que pendant 4 mois avec un peu de bouillie avant d’introduire la purée de pomme de terre, le poisson à la sauce tomate, un peu de fufu léger et les épinards. »
Réagissant aux différents propos, Mme Lusinga Kubasala Marianne Sage-femme partage des conseils donnés aux CPS. « Nous conseillons aux femmes de respecter l’allaitement maternel exclusif jusqu’à 6 mois. Après 6 mois, introduire des plats légers. Des femmes qui appliquent nos conseils ont vu leurs enfants grandir sans beaucoup de problèmes et sans maladies opportunistes. Malheureusement, dans leurs communautés, elles reçoivent d’autres conseils qui, souvent, sont contraires à ceux des prestataires de santé, » regrette-t-elle.
Pour le Dr Mulakwa Morisho Lambert, Médecin infectiologue des hôpitaux CELPA et Chercheur en infectiologie pédiatrique, « On n’introduit pas le plat familial pendant l’allaitement maternel exclusif. C’est à faire progressivement. A cet âge, le tube digestif et les muqueuses de l’enfant n’ont pas la capacité de faire une bonne digestion. Les diarrhées que l’enfant peut faire suite à l’introduction précoce des aliments solides, peuvent entraîner la perte des ions (sodium et potassium) et être à la base des carences nutritionnelles avec la diminution du zinc et du fer. Il y a également des risques d’étouffement de l’enfant car il n’est pas capable d’avaler le fufu à trois ou quatre mois. L’enfant peut faire une mauvaise absorption digestive qui peut conduire à la perte de poids, » explique-t-il. Durant le temps passé dans les milieux ruraux où les femmes partent aux champs et les enfants restent à la maison avec des proches. « J’ai constaté que, dès que l’enfant pleure, on lui donne des aliments solides sans tenir compte de son âge. J’ai reçu beaucoup de cas de malnutrition et des intoxications digestives des enfants. La libéralisation précoce de la nourriture chez l’enfant fait qu’on cesse de prendre beaucoup plus soin de lui. Avec ce lâchement, l’enfant commence à avoir des infections récurrentes, une situation qui est à la base de l’accroissement du taux de décès des enfants de moins de 5 ans au pays, » révèle-il.
Le mari, un appui capital.
Pour Mme Brigitte, « Le rôle de mon Mari est de m’accompagner. Toutes les décisions sur ce qu’il faut donner ou pas, je ne les prends pas seule. Il donne en plus les moyens pour acheter ce dont l’enfant a besoin. »
A Mme Alice de dire : « Honnêtement, mon mari n’a pour rôle que de financer. Il ne passe pas trop de temps à la maison. Il remet juste l’argent pour que rien ne manque et il prie toujours le Seigneur pour le premier repas de chaque enfant. »
Mme Emérence qui a allaité il y a plus de 10 ans explique le rôle joué par son mari. « Mon mari n’avait pas de rôle dans tout ça. Il se limitait qu’à donner l’argent. »
Les Maris ont un rôle très capital aux côtés de leurs femmes selon Mme Marianne. « Ils jouent un rôle très important. S’il est impliqué, c’est bien lui qui fera le suivi pour qu’il y ait une bonne complémentarité. Il peut aider à éviter qu’on n’introduise tôt des aliments solides chez l’enfant s’il a la connaissance des avantages et désavantages à propos. »
Le Dr Lambert abonde aussi dans ce même sens. « Le rôle des maris reste important car ils sont la source de production dans beaucoup de ménages. Mais avec la précarité, il y a des parents qui trouvent que donner des aliments légers à l’enfant est une dépense de plus. Ils décident subitement, de soumettre l’enfant malgré son âge à la prise des plats traditionnels au même titre que ses aînés. C’est pourquoi, dès que les maris lâchent financièrement, les femmes n’ont pas souvent de choix. Le mari doit encourager sa femme dans l’allaitement. »

Meilleures pratiques.
Dr Lambert affirme que ; « La meilleure pratique pour introduire les aliments solides est d’avoir la patience. Le lait maternel reste l’aliment de base et peut aller jusqu’à deux ans maximums. La bouillie peut être initiée progressivement à 6 mois. Elle a d’ailleurs la même concentrée comme le fufu bien qu’elle n’ait pas la même consistance car légère. »
Selon le site de l’UNICEF https://www.unicef.org/parenting/fr/alimentation-et-nutrition/introduire-les-aliments-solides les bébés doivent commencer à manger de la nourriture solide à l’âge de 6 mois. Retarder trop longtemps la diversification alimentaire peut être dangereux pour leur santé.
Trésor Mpanda