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Optimiser les recettes issues des minerais stratégiques pour financer le développement durable en République Démocratique du Congo

Posted on 28 octobre 2025

Par Baby Matabishi, Ismaël Tutu et Fabien Mayani  

A l’occasion de la 9ème Edition de la Conférence DRC Alternative Mining Indaba prévue à Lubumbashi du 29 au 31 octobre 2025 sous le thème “Minerais stratégiques de la RDC : entre enjeux géopolitiques mondiaux et impacts socioéconomiques locaux”, le Centre Carter exhorte le gouvernement congolais à améliorer les mécanismes de mobilisation et de gestion des recettes minières afin de financer le développement durable du pays.

Les minerais stratégiques, ou “critiques”, de la République Démocratique du Congo (RDC), tels que le cobalt, le cuivre, le lithium, le germanium, le coltan et l’étain sont au cœur des enjeux mondiaux pour la transition énergétique, les technologies modernes du numérique, de l’aérospatiale et de l’armement. L’augmentation de la demande mondiale pour certains de ces minerais a nourri, entre 2018 et 2025, un accroissement considérable des recettes fiscales du secteur minier en RDC. Selon les rapports ITIE-RDC par exemple, le secteur minier a généré plus de USD 7 milliards en 2022, alors qu’en 2017, il n’avait généré que près de USD 1,5 milliard. 

Pourtant, l’accroissement de cette richesse nationale, bien qu’en deçà du potentiel réel, n’a pas entrainé d’amélioration notable dans l’accès aux services publics, les investissements publics, la lutte contre la pauvreté ou les indicateurs de développement social et économique. A titre d’exemple, l’indice de développement humain n’a évolué que de 0,474 à 0,481 points, entre 2018 et 2022, la RDC occupant le 180ème rang mondial sur 193 pays en la matière.

Les recherches menées par le Centre Carter et ses partenaires de la société civile démontrent que ce paradoxe résulte de deux principaux facteurs. D’une part, il existe une incohérence du régime fiscal appliqué dans la pratique du secteur minier. Le code minier crée un cadre complexe de fiscalité, qui multiplie les instruments fiscaux, sans l’outillage, les capacités et le mode d’organisation nécessaires pour permettre aux autorités d’optimiser la collecte des recettes. En retour, ces incohérences du cadre fiscal ouvrent la voie à des pratiques d’optimisation et d’évasion fiscale, mais aussi de fraude et de corruption par les opérateurs miniers. Il en résulte un manque à gagner pour la RDC et des risques non nécessaires pour les investisseurs. D’autre part, le modèle actuel de gestion des recettes minières, et de façon plus large de gestion des finances publiques reste opaque, excessivement centralisé et n’inclut pas de participation citoyenne substantielle, ainsi que le prévoit pourtant le droit congolais. Les recettes sont principalement affectées au fonctionnement des institutions politiques au détriment du financement des services sociaux de base et des investissements en faveur du développement durable. Ces constats découlent des conclusions des études d’évaluation des instruments fiscaux et des obligations fiscales parafiscales des entreprises minières conduites par le Centre Carter et ses partenaires de la société civile, en collaboration avec les autorités publiques, entre 2013 et 2025, particulièrement dans les filières des minerais stratégiques. Les conclusions de ces études sont détaillées ci-après.

En ce moment où la RDC semble déterminée à mettre fin à son statut d’exportateur des produits miniers à faible valeur ajoutée et à créer les conditions d’une transformation locale des minerais, qui pourrait améliorer sa position dans les chaines de valeur internationales et lui permettre de capter une plus grande part de la valeur générée par l’économie mondiale des minerais, ces constats sont cruciaux. D’une part, la faible collecte et la mauvaise utilisation des recettes ne permettent pas de réinvestir dans le développement industriel qui favoriserait une transformation locale et les effets d’entrainement sur l’économie réelle. D’autre part, le niveau de risques juridiques posé par la pratique fiscale n’incite pas les investissements additionnels dans le secteur et dans la transformation industrielle. Par ailleurs, il convient de rappeler que les projets miniers ont un impact écologique et humain fort et pèsent dramatiquement sur l’environnement et les droits humains des Congolais. La captation et la redistribution de la valeur via la fiscalité, est l’un des  moyens de cette justice sociale, et sa sous optimisation est une forme de négation  des droits des Congolais, qui ne reçoivent pas leur part de la valeur dont ils sont propriétaires et qui portent injustement les coûts du secteur minier. 

Aujourd’hui plus que jamais, la RDC est appelée à saisir l’opportunité qu’offre la demande mondiale croissante de ses minerais stratégiques pour mettre en œuvre des réformes courageuses visant à optimiser la collecte de recettes issues des filières des minerais stratégiques et à instaurer une gestion stratégique et d’intérêt commun de ces recettes.

1.  Besoin de rationalisation du régime fiscal du secteur minier

Une rationalisation du régime fiscal du secteur minier permettrait d’optimiser les recettes minières issues des filières des minerais stratégiques tout en garantissant l’attractivité du secteur. La RDC a adopté en en mars 2018 le Code Minier révisé pour corriger le déséquilibre de partage des revenus générés par l’industrie minière entre l’Etat congolais et les opérateurs miniers. Le Code Minier révisé a notamment élargi l’assiette fiscale et augmenté le taux des redevances minières, instauré l’impôt spécial sur les produits excédentaires (ISPE) et relevé de 5 à 10 % la participation de l’Etat congolais dans chaque projet minier. Il a également supprimé la clause de stabilité du régime fiscal douanier et des changes de 10 ans. Enfin, ce Code impose aux entreprises minières l’obligation de rapatrier en RDC 60% des recettes minières d’exportation lorsqu’elles sont dans la phase d’amortissement de l’investissement et 100% de ces recettes une fois l’investissement amorti.

Sept ans après l’entrée en vigueur de ce Code, l’évaluation conduite par le Centre Carter révèle que l’optimisation des recettes minières est entravée par la rigidité de son régime fiscal. Certains taux d’impositions sont supérieurs aux standards appliqués dans l’industrie. Le Code crée de multiples instruments fiscaux et parafiscaux, dont la complexité et le nombre sont en décalage avec les capacités réelles de l’administration fiscale. En particulier, l’impôt spécial sur les profits excédentaires (ISPE) n’est dans la pratique pas totalement mis en œuvre, mais fait peser une menace sur la rentabilité des projets miniers du fait de son cumul possible avec d’autres impôts, notamment la redevance minière au taux de 10% en cas de déclaration d’un minerai en substance minérale stratégique. Par exemple, le taux effectif moyen d’imposition pourrait atteindre 72 % pour un projet minier de la filière cuivre-cobalt et 95 % pour une mine d’or, si le cuivre, le cobalt et l’or venaient à être déclarés substances minérales stratégiques et que le projet concerné paie en même temps l’impôt spécial sur les profits excédentaires. Ces taux d’imposition pourraient en conséquence rendre les projets miniers non rentables pour les investisseurs.  

Par ailleurs, certains instruments fiscaux et parafiscaux collectés dans la pratique, telles que la tаxе d’intervention en matière de réhabilitation des infrastructures urbaines de voiries et drainage ainsi que des routes d’intérêt provincial et la taxe sur les produits miniers concentrés destinés à l’exportation dans les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba, n’ont pas de base dans le régime fiscal de ce Code, violant ainsi le caractère exhaustif du régime fiscal du secteur minier en RDC. Le régime fiscal fait donc peser des risques de sécurité juridique sur les investissements des opérateurs miniers, qui nuisent à l’attractivité du secteur tout en affaiblissant le potentiel de collecte des recettes. En retour, certains opérateurs miniers développent des pratiques d’optimisation fiscale et d’autres se prémunissent de ces risques en négociant des régimes d’exonération fiscale. D’autres encore réinvestissent les revenus générés en RDC dans d’autres pays, ce qui résulte en un manque à gagner considérable et affaiblit la cohérence de la gouvernance du secteur.

Pour remédier à certaines de ces lacunes présentées plus haut, le gouvernement congolais, en particulier les ministres des Finances et des Mines, peut réexaminer le régime fiscal du Code Minier révisé et envisager une réforme législative visant la rationalisation du référentiel des instruments fiscaux et parafiscaux. Ceci implique la réduction du nombre de paiements, et en parallèle la mise en place d’instruments fiscaux plus souples et adaptés telles que les redevances minières à taux variables pour les principaux métaux exploités en RDC, nommant le cuivre, le cobalt et l’or, en remplacement de l’impôt spécial sur le profit excédentaire (ISPE). Cette réforme devrait également conduire à la suppression des exonérations fiscales en cours et à l’application systématique du Code Minier à l’ensemble des projets miniers.  Une telle réforme pourrait ainsi combiner le besoin d’optimiser la collecte des recettes fiscales et celui de maintenir un cadre fiscal sécurisé, fiable et uniforme pour tous les opérateurs miniers, ce qui contribuerait également à réduire les pratiques d’évitement fiscal.

Sur ce point, la création récente du Noyau de Prévision des Recettes Extractives (NPRE) au sein du Comité Permanent de Cadrage Macroéconomique (CPCM) pourrait permettre l’amélioration de la transparence fiscale et la maximisation des recettes du secteur. Ce nouveau cadre répond à l’une des recommandations de l’étude d’évaluation du régime fiscal du Code Minier révisé sur la nécessité de la mise en place d’un processus permanent de modélisation des projets miniers. La mission du NPRE consistera à réaliser des projections réalistes des recettes issues du secteur extractif suivant notamment l’approche de l’analyse fiscale des industries extractives (AFIE, FARI). Ceci pourra constituer une base pour l’évaluation du rendement fiscal et le suivi des revenus de chaque projet extractif. Toutefois, ce cadre doit être opérationnalisé le plus rapidement possible et les entreprises extractives devront réaliser et mettre à disposition des études de faisabilité fiables afin de permettre la modélisation fiscale de tous les projets extractifs.

2.  La nécessité de modernisation et de transparence dans la collecte et l’allocation des recettes 

Au-delà des incohérences du régime fiscal du secteur minier décrites ci-dessus, la mobilisation des recettes minières est également entravée par les défaillances opérationnelles, l’insuffisance de la coordination et la fragmentation de l’administration fiscale. Les conclusions de l’évaluation du régime fiscal et les échanges directs avec les responsables des agences des administrations minière et fiscale ont révélé l’insuffisance de partage d’informations entre les services et agences des administrations minière et fiscale ainsi que l’absence d’une base de données centralisée et accessible à tous les services sur les éléments de calcul et décollecte des recettes minières, pouvant ainsi occasionner une déperdition des recettes minières. Par exemple, les études de faisabilité des projets miniers déposées au Cadastre minier ne sont pas systématiquement mises à la disposition de l’administration fiscale. Pourtant, ces études font partie des éléments de référence dans l’analyse et le calcul de certains impôts, notamment l’impôt sur les bénéfices et profits. Ce manque de coordination est amplifié par la fragmentation de l’administration fiscale congolaise composée de trois principaux compartiments (Direction des impôts, Direction des recettes non fiscales et Direction des douanes et accises) et d’autres services et agences du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées. Par exemple, les données fiscales détenues par ces agences sont parfois contradictoires pour les mêmes opérateurs, ce qui soulève la question de la fiabilité de certaines déclarations des entreprises minières et de l’efficacité des mesures de contrevérification.  

Pour résoudre certains de ces problèmes opérationnels, le gouvernement congolais peut envisager une réforme de son administration fiscale en instituant par exemple une seule autorité des revenus ayant des sections suivant la nature des recettes à collecter. L’unicité de l’autorité des revenus aurait l’avantage d’assurer une coordination efficace et un partage d’informations entre différents services impliqués dans le calcul et la collecte des recettes publiques. A ce sujet, le ministre des Finances pourrait ordonner la mise en place d’une base de données centralisée et accessible à tous les services sur les éléments de calcul et de collecte des recettes minières. Il devrait également accélérer le programme de modernisation de l’administration fiscale à travers la digitalisation de la chaine de la recette appuyée par AFD/C2D et la mise à niveau systématique du personnel de cette administration. 

Un autre défi majeur concerne l’utilisation transparente et responsable des recettes minières collectées pour le bien-être des populations congolaises. La RDC pratique encore le système d’unicité de la quasi-totalité de recettes, y compris les recettes minières et de dépenses publiques avec une forte proportion des recettes allouées aux rémunérations des dirigeants politiques et au fonctionnement des institutions politiques. Ce système ne garantit pas suffisamment la transparence ni la redevabilité dans les dépenses et l’allocation des recettes minières. Au vu des limites de ce système en Afrique, la Vision Minière Africaine et ses instruments de mise en œuvre encouragent les pays africains à adopter des politiques, des cadres juridiques et des institutions pouvant assurer la transparence exhaustive et la redevabilité dans la gestion des recettes minières ainsi que la prévention des flux financiers illicites dans le secteur. Ils préconisent également l’allocation rationnelle des recettes minières, y compris leur utilisation équitable pour soutenir les investissements productifs et promouvoir un développement durable.

La RDC est encouragée à mettre en place des politiques visant à assurer la gestion transparente des recettes minières et leur allocation aux projets de développement durable. A ce titre, le modèle de la Loi innovante du Ghana adoptée en 2011 et révisée en 2015 qui priorise le financement des projets de développement socio-économique et garantit les droits des générations futures dans l’allocation des revenus du secteur pétrolier pourrait inspirer la RDC dans la démarche des réformes sur la gestion et l’allocation des recettes minières.

3.  Besoin de renforcer la participation citoyenne

L’implication des citoyens et des mouvements représentant l’intérêt général, telles que les organisations non gouvernementales, dans les processus de prise de décision, de gestion des projets miniers et de suivi des activités minières permet la prise en compte des voix des communautés. Ceci est essentiel pour lier les projets industriels au développement du pays, car seules les communautés peuvent indiquer leurs propres besoins. La participation citoyenne exerce également un contrôle externe sur le secteur, poussant à plus de transparence et de redevabilité.

En RDC, la participation effective des organisations de la société civile aux processus des réformes et aux plateformes multi acteurs a déjà montré des résultats probants. Par exemple, les organisations de la société civile ont joué un rôle clé au sein de la commission chargée de préparer les propositions d’amendement au code minier de 2002. Les représentants de la société civile ont formulé des amendements importants reflétant les voix des communautés sur la transparence, le développement durable, la protection des droits humains, et de l’environnement, la responsabilité sociétale, la maximisation des revenus minier, etc. La majorité de ces propositions d’amendements ont été intégrées dans le Code Minier révisé de 2018. De même, les organisations de la société civile jouent un rôle pivot dans la mise en œuvre de l’Initiative de Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) en RDC.

Malgré ces progrès, la participation citoyenne pleine et effective de la société civile reste limitée par l’opacité du secteur, le rétrécissement de l’espace civique, les risques de menace par les acteurs politiques et économiques, et les capacités techniques limitées de la société civile congolaise sur les questions de fiscalité. Le renforcement de la participation citoyenne implique que l’Etat reconnaisse formellement le bénéfice et le rôle des citoyens dans la gouvernance du secteur, adopte des réformes légales, notamment la Loi sur l’accès à l’information, et garantisse un exercice effectif de la participation et du contrôle citoyen dans les processus clés : ITIE, conférences budgétaires, plateformes multi-acteurs comme IDAK (Investissement Durable au Katanga) et IDAKI(Investissement Durable au Kivu), contrôle de redevabilité des projets industriels, etc. Afin de fonctionner, cette dynamique doit également être soutenue par les partenaires techniques et financiers de la RDC.

Le Centre Carter entend amplifier ces efforts dans ses engagements en cours et à venir en RDC, d’une part à travers le projet mis en œuvre en partenariat avec le CENADEP et le CREFDL, « démocratisation de la gouvernance du secteur extractif de la RDC ». Financé par l’Union Européenne, ce projet renforce et diversifie la participation citoyenne dans la régulation des activités et de la gestion des revenus du secteur extractif. Il soutient également les autorités publiques dans la mise en place des réformes et des pratiques de gouvernance transparente et responsable du secteur extractif et facilite l’accès de la population congolaise aux informations de qualité sur la gouvernance du secteur. D’autre part, le Centre Carter maintient son soutien à la société civile pour sa participation effective à la mise de l’ITIE et poursuit la dynamique créée par le « Dialogue citoyen pour la maximisation des recettes minières  », financé par la Coopération allemande sur cofinancement de l’Union Européenne et mise en œuvre par la GIZ, novembre 2023 – avril 2025. Cette initiative unique en son genre a permis un rapprochement entre société civile et institutions publiques en vue d’un objectif commun d’améliorer la collecte des recettes fiscales et a formulé les recommandations ci-hautes décrites et que le Centre Carter continue de porter.

Enfin, dans le cadre des travaux de la 9ème Edition de la Conférence DRC Mining Indaba dont le Centre Carter est co-organisateur, une session parallèle sera organisée le 30 octobre 2025 à Lubumbashi dans la salle des conférences de l’Hôtel IKOMA par les équipes du Centre Carter et les acteurs sociaux soutenus. La session réunira les représentants des administrations fiscale et minière, les acteurs de la société civile, et les universitaires et examinera les voies et moyens de mettre en œuvre les recommandations clés du Dialogue citoyen pour la maximisation des recettes minières. Elle abordera également les stratégies de pérennisation des actions de démocratisation du secteur extractif de la RDC à travers le contrôle citoyen et de participation citoyenne à la gestion du secteur extractif et des revenus générés.

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